Visite chez Frédéric Savart
Mercredi 13 octobre. Début d'après-midi. Après une visite mémorable chez Anselme Selosse (racontée dans un précédent article ici), nous remontons dans le camion, direction Ecueil, chez Frédéric Savart.
Sur le chemin, Gérard et Florian évoque leur première rencontre avec Frédéric Savart : un homme espiègle, un bout-en-train.
On se réjouit d'avance du moment à passer avec lui.
Les vignes de Frédéric Savart sont situées dans le secteur d’Ecueil, premier cru de la Montagne de Reims. Et chez les Savart on fait du Champagne de père en fils depuis trois générations.
Quand on arrive il n'est pas là.
On attend devant la porte…
Au bout d'un (long) moment, c'est sa mère qui arrive en voiture et qui vient nous ouvrir. Elle nous fait rentrer dans le petit salon du chai. Elle nous explique que Frédéric est au déjeuner annuel des « Artisans du Champagne » avec ses collègues. Une réunion officielle de l’association. On se regarde, on sourit, et on devine que s’éloigne la probabilité que ce rendez-vous se passe comme prévu…
Quelques échanges sur les vendanges dont la maman de Frédéric nous dit qu'elles se sont très bien passées cette année.
On s’installe … Et en attendant elle nous explique : « On a quatre hectares, avec une majorité de pinot noir. Il y un hectare de vignes à Villiers-aux-Nœuds. Quand on est sur la route là-bas, il y a deux parcelles qu'on reconnaît : celle de Manu Brochet et celle de Frédéric Savart. Parce qu'elles sont beaucoup plus avancées, et les feuilles sont fort jaunes. C'est parce qu'on ne traite pas. Dans les vignes on a de l'herbe, et on fait labourer par un cheval.»
L'OUVERTURE
Tout en nous parlant elle ouvre une bouteille du Premier Cru « L'Ouverture ».
Et elle reprend : « Avec un cheval la terre est beaucoup moins tassée. On revient à des choses beaucoup plus naturelles. Même mon petit-fils m'a interdit de mettre de l'engrais dans mes géraniums !»
« L’Ouverture c'est du pinot noir. Il est peu dosé. 6 grammes par litre. »
Gérard : « ça ne se sent pas trop. »
« C'est notre entrée de gamme. »
On déguste en silence…
Un très joli nez floral, avec un peu d’agrumes, une bouche fraiche et fine...
Elle s'impatiente. Son fils lui a dit au téléphone qu’il devait raccompagner un de ses collègues vignerons, Raphaël Bérèche, nous explique-t-elle.
Nous on tient bon, on veut l’attendre l'énergumène !
L'ACCOMPLIE
Elle nous sert donc la deuxième cuvée : « L'Accomplie ».
« L'Accomplie c'est un chardonnay. Un extra brut »
Un champagne vif, beaucoup d'élégance, vineux tout en étant aérien, légèrement brioché...
On continue à tailler le bout de gras. On apprend que la dame est alsacienne. On cause Bas-Rhin, Haut-Rhin et Alsace. Le temps passe…
On revient sur les vignes.
« Nous vignes sont éparpillées deux ares par ci, 3 ares par là. On a du côteau, on a du côte, on a du plat, on a du plaine..."
« On a de très jolis pinots à Ecueil. On voit dans la région qu’il y a des gens qui essaient, qui arrachent des pinots meuniers pour planter des pinots noirs mais ils n'ont pas le même rendu qu’à Ecueil où on a de très jolis pinots. C’est un terroir qui n'est pas agressif."
« Combien de bouteilles par an chez les Savart ? » demande t-on.
« Entre 30 et 40 000 bouteilles par an. Et maintenant on est à 65 % à l'export entre les Etats-Unis, le Canada, la Norvège, la Finlande, le Danemark, la Suède, la Belgique, la Hollande, l'Allemagne, la Suisse, l'Italie, l'Autriche, l'Espagne, la Corée du Sud, la République tchèque, la Russie, le Japon, Hong Kong, …. »
Gérard : « ça en fait de la logistique ! ».
On entend une voiture arriver…
« Je crois que c'est lui ! »
Et oui, c'est bien lui ! Une bonne heure après.
Il entre, cool, désolé mais souriant.
On ne perd pas de temps. « Allez venez ! »
On le suit.
On arrive dans un très bel endroit. Un chai tout neuf, moderne, avec un bel éclairage qui donne une lumière à la fois vive et douce. Quelques cloisons en verre. Tout est nickel, épuré. Le lieu est assez confiné, agréable, convivial. Plusieurs cuves et fûts trônent, bien disposés. On s’y sent bien, tout de suite.
Gérard et Florian font des compliments sur le lieu.
Il nous emmène voir un de ses " derniers essais " qu'il vient de faire " sur un chardonnay, 15 jours après les vendanges, et ça travaille encore " dit-il.
Effectivement, quand il enlève le bouchon on voit que le jus est en ébullition…
« Ça été récolté naturellement à 13°. »
Il nous montre, sur son téléphone mobile, la vidéo du jus en ébullition qu'il a posté sur Instagram. Frédéric est vrai un geek !
« Il y a 2 ans je n’avais pas de téléphone, on me prenait pour un fou. Puis j’ai eu un téléphone. Ma fille m’a montré. Et maintenant je suis suivi par 3000 fans et quand je dis quelque chose ça part direct dans le monde entier ! C'est incroyable comme outil de communication ! »
Communication ou pas, en quelques années la qualité des champagnes de Frédéric Savart a été vite repérée et connaît un gros succès. Les quantités sont limitées…
S’engage une discussion sur les champagnes de vignerons dont on ne trouve plus de champagne à acheter, tellement ça se vend. « Il y a pas de possibilité d'acheter du vin chez des mecs un peu connus maintenant. C'est une révolution en champagne là. »
Gérard : « C'est partout. Dans toutes les régions pareil. »
Frédéric : « bah pour nous c'est nouveau. C'était pas comme ça avant. » Dit-il en remplissant nos verres avec une pipette, du jus tiré directement au tonneau.
"13° naturel ! C’est ce qui a été vendangé 15 jours après les vendanges. J'ai voulu faire cet essai, et en faire des magnums."
La mère de Frédéric qui s’en va, vient nous saluer : « La prochaine fois que je sais que c'est vous qui venez je l’attache à un siège pour qu'il soit là ! » (On y compte bien !). Elle tire la porte derrière elle.
Frédéric reprend. Il nous explique : « On est une toute petite équipe ici. Alors ma mère m'aide ».
« Et là nous on a jamais vu ça. Depuis les vendanges le nombre de gens qui veulent venir goûter les jus ! C'est un truc de malade !
Alors entre guillemets j'en veux un peu aux journalistes d'enflammer ce millésime là, parce que pour l'instant on ne peut pas dire grand chose. C'est sûr qu'on a rentré des raisins d'une qualité exceptionnelle, avec des rendements assez faibles… Mais encenser comme ça pendant les vendanges : c'est un truc de malade ! "
Frédéric est un passionné de vinification et de vins bien-sûr (on a vu quelques trophées de bouteilles vides de très beaux millésimes de Rayas, de Claire Naudin, etc... en passant dans l’entrepôt). Il aime faire des essais. Mais sa devise est d’accompagner la nature, et d’en préserver l’expression la plus pure possible : "Le meilleur vin est fait en utilisant le meilleur raisin."
Il aime découvrir tous les aspects, les nuances, ou les subtilités d'une même appellation.
Et comme il le dit sur son site internet : « Par notre approche, le champagne Savart est un laboratoire de terroirs et un créateur de cuvées. »
Frédéric : « J'ai plein d'options dans ma tête. En février-mars je vais re-soutirer, reprendre toutes les lies, et remettre en cuve inox pendant quatre ou cinq mois. »
Gérard : « pour gagner un peu de fraîcheur ? »
Frédéric : «oui. Et puis comme moi je soutire et je tire dans la foulée, je me dis que les vins sont un petit peu plus propres puisqu'il n'y a pas de filtration. »
LES NOUES
Il remplit à nouveau notre verre : « Là c'est un pinot noir qui vient d'un lieu-dit qui s'appelle « Les Noues ». Ça va être un futur parcellaire de la maison à partir de cette année. C’est quatre parcelles d'un seul tenant sur 43 ares. Ce sont des sélections massales de mes parents et de mes grands-parents. »
« Chez moi il n'y a rien de compliqué. C'est pressé. On prend un hecto cuvé. C'est mis en tonneaux, fermentation alcoolique, et terminé !"
Gérard « il y a de superbes amers ! »
Quelle tension, quel fruit, quelle fraîcheur ! Encore un jus très prometteur...
« Et là je suis en train de voir pour les chardonnays l'utilisation de lies des années passées. On va soutirer pratiquement au dernier moment, mettre au frais à 3 ou 4° et réinjecter juste avant les vendanges ».
Florian « Pour ? »
Frédéric : « amener un peu de richesse, nourrir. »
On redescend chercher les bouteilles à ramener à Paris.
En passant par l'entrepôt...
Et on s'arrête faire une dernière dégustation
EXPRESSION ROSÉ 2011...
Brut nature fait à partir de très vieilles vignes de pinot noir
Une petite merveille non dosée, qui file tout droit avec beaucoup d'ampleur... Et qui nous a requinqués pour regagner nos pénates parisiennes.
Un très belle dégustation, et le bonhomme, délicieux, vaut carrément le détour !
28 décembre 2015
Rédigé par Florence